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On n'apprend pas à faire la grimace à une tête de singe greffée

Publié le 24/01/2016

«C’est une vraie victoire pour l'humanité», s'enthousiasme-t-il auprès de nos confrères de Sciences et Avenir, imaginant déjà les progrès scientifiques à venir. Pour le professeur, la transplantation d’une tête vivante sur le corps d’un donneur mort cérébralement pourrait rendre la mobilité à des tétraplégiques.

Canavero a ainsi annoncé que l’équipe de Xiaoping Ren à l’Université Médicale Harbin, en Chine avait effectué avec succès une greffe de tête de singe, connectant l’apport sanguin entre le corps principal et nouveau, Sergio Canavero, également professeur de neurosciences dans cette même université, aurait également collaboré et aidé à la réalisation ainsi qu’au succès de cette opération. En revanche, la fusion de la moelle épinière n’aurait pas fonctionné, ce qui constituerait tout de même un échec de l’objectif principal, à savoir de rendre la motricité totale du corps.

Le pionnier de la greffe principale, Robert White, neurochirurgien américain qui tenta des greffes de têtes de chien et de singe dans les années 1970, avait effectué avec succès la procédure en 1970, sur un singe qui avait initialement bien répondu à l’opération, mais qui mouru au bout de neuf jours quand le corps a rejeté la greffe. Inspiré par les travaux du Dr Robert White, Sergio Canavero a revu la technique à sa façon. Il s'agit de détacher dans un premier temps les têtes des corps, puis à faire fusionner la moelle épinière du corps du donneur avec celle de la tête du receveur. Pour cela, «Sergio Canavero propose un protocole (GEMINI) mettant en oeuvre le raboutage» des nerfs du donneur et receveur associé aux propriétés extraordinaires du polyéthylène glycol (PEG), une substance qui induit la fusion des fibres nerveuses (axones) coupées», écrit Sciences et Avenir. Une stimulation électrique permet ensuite de reconnecter les deux cordons nerveux. Le protocole global aurait été accepté dans deux revues académiques, Surgery et CNS Neurosciences & Therapeutics, et serait en voie de publication. Un préalable indispensable en termes de crédibilité scientifique.

Thanks Dr White

Pourquoi c'est impossible chez l'Homme d'ici 2017 ?

Cet excentrique italien fait miroiter aux tétraplégiques de pouvoir leur rendre leur motricité d'ici 2017. 

Pour le Dr Marc Lévêque, neurochirurgien à l'Hôpital de la Pitié-Salpêtrière (Paris), "anastomoser une moelle épinière reste pour l'heure infaisable". 

"En effet, même si comme l'auteur le laisse entendre, 10 % seulement des voies descendantes suffisent à assurer une fonction motrice acceptable, 10 % de millions d'axones cela implique de réaliser, pour des milliers de cellules nerveuses tout de même, un alignement mécanique de l'axone A vers l'axone A'. On ne sait pas faire. Cela n'a jamais été réalisé, avec succès, chez le moindre animal. 
On aura beau disposer des meilleures colles biologiques, des facteurs de croissance les plus performants, des matrices de repousse nanométriques, la question n'est pas là. 
Le problème est de connecter l'axone A à l'axone A'. Pour un seul axone, cela ne pose pas de problème, mais pour des millions… C'est comme si l'on avait le gros câble de sortie d'un standard téléphonique contenant des milliers de fils électriques de couleurs différentes que l'on trancherait nette et que l'on chercherait ensuite à reconnecter. Il faudrait rabouter le fil rouge avec le fil rouge, le noir avec le noir, le vert avec le vert. Cela pour des millions de fils/d'axones est pour le moment infaisable."

Quant au Docteur Art Caplan, bioéthicien du Centre médical Langone à New York, il estimait : «Et même si une telle greffe était possible, il faudrait utiliser tellement de médicaments pour empêcher un rejet de l'organe que le patient ne pourrait pas survivre bien longtemps», soupçonnant un coup médiatique pour lever des fonds.

Gardons les pieds sur terre et la tête dans les nuages plutôt que sur les épaules du voisin.