66 – Thérapeutiques antalgiques, médicamenteuses et non médicamenteuses

Objectifs ECN/ CNCI :
66. Thérapeutiques antalgiques, médicamenteuses et non médicamenteuses
- Argumenter la stratégie de prise en charge globale d’une douleur aiguë ou chronique chez l’adulte.
– Prescrire les thérapeutiques antalgiques médicamenteuses (P) et non médicamenteuses.
– Évaluer l’efficacité d’un traitement antalgique.
 
Plan
Stratégie de prise en charge d’une douleur aiguë et chronique
Palier I
Palier II
Palier III
Tableaux d’équianalgésie
Protoxyde d’azote équimolaire
 
Fiche

 

Partie 01 : Stratégie de prise en charge d’une douleur aiguë et chronique

La prise en charge d’une douleur passe d’abord par son identification et son évaluation.(Item 65)

Une fois idéntifiée et évaluée, la prise en charge de la douleur passe par la prise en charge de toutes ses composantes par des thérapeutiques antalgiques médicamenteuses et non médicamenteuses.

1. Thérapeutiques antalgiques non médicamenteuses

- Immobilisation :
• Repos
• Minerve / Corset
• Attelles / Orthèses
– Masso-kinésithérapie :
• Mobilisation passive et active
• Balnéothérapie
• Physiothérapie
– Ergothérapie
– Acupuncture
– Soutien psychologique :
• Ecoute / Empathie / Réassurance
• Présence auprès du malade
• Thérapies cognitivo-comportementales
– Prise en charge professionnelle :
• Déclaration d’accident de travail / maladie professionnelle
• Reclassement professionnel
– Prise en charge sociale et familiale :
• Assistance sociale
• Modification des activités journalières

2. Thérapeutiques antalgiques médicamenteuses et chirurgicales

- Immobilisation :
• Chirurgie orthopédique
– TTT étiologique :
• Chirurgie
• Chimiothérapie / Radiothérapie
• Hormonothérapie
– TTT médical :
• Antalgiques Palier OMS
• Antidépresseurs
• Antiépileptiques :
▫ Carbamazépine (400 à 800 mg/j)
▫ Gabapentine (300 à 2 400 mg/j)
▫ Oxycarbazepine (150 à 1 800 mg/j)
▫ Clonazépam (0,1 à 2 mg/j)
▫ Prégabaline (150 à 300mg/j)
▫ Lamotrigine
• Anxioloytiques
• Neuroleptiques
• Protoxyde d’azote 50% / O² 50%
– Interruption des voies de conduction de la douleur :
• Anesthésiques locaux :
▫ Blocs nerveux
▫ Patch transdermique
▫ Spray
▫ Gel
• Neurolyse chimique (OH, Phénol)
• Neurochirurgie / Neurostimulation

3. Thérapeutiques co-antalgiques médicamenteuses

- Myorelaxants = Tétrazépam 50 à 150mg/j PO
– Antispasmodiques = Phloroglucinol 2cp 3x/j PO
– Corticoïdes = 1mg/kg/j
– Biphosphonates

4. Prise en charge globale de la douleur

Après les investigations cliniques et paracliniques pour identifier et évaluer la douleur et déterminer la meilleure prise en charge, il faut :
– Informer de manière claire et loyale le patient sur l’étiologie de la douleur
– Détailler les différentes thérapeutiques médicamenteuses / non médicamenteuses mises en place dans son plan de soin personnel
– Prise en charge globale, multidisciplinaire, multimodale et personnalisée de la douleur
– Informer le patient sur les modalités d’administration des thérapeutiques et leurs potentiels effets indésirables

> Utilisation des thérapeutiques antalgiques médicamenteuses

- Privilégier la voie orale en 1ère intention
– A intervalles réguliers (Eviter à la demande, c’est déjà trop tard puisque le patient attend d’avoir mal pour demander)
– Selon une échelle d’intensité de la douleur :
• EVA inférieure à 40 mm : Palier I
• 40 à 70 mm à l’EVA : Palier II
• EVA supérieure à 70 mm : Palier III
– De façon adaptée aux besoins individuels
– Avec un constant souci du détail
– Respecter les paliers OMS
– Possibilité de palier III d’emblée si EVA > 70
– Ne pas associer 2 produits du palier II ou III
– Ne pas associer palier II + palier III
Ils pourront être donné alternativement en fonction du niveau de douleur
– Respecter les contre-indications
– Prévenir systématiquement les effets secondaires
– Surveiller et réévaluer régulièrement l’efficacité et la tolérance des TTT

> Associer systématiquement et simultanément des thérapeutiques non médicamenteuses antalgiques et co-antalgiques

Prise en charge d’une douleur post-opératoire (SFAR RFE 2008)

Partie 02 : Palier I

1. Paracétamol

Fig. 66.1 Paracétamol

2. Aspirine/AINS

Fig. 66.2 Aspirine et AINS

3. Néfopam

 

Fig 66.3 Néfopam

 

Partie 03 : Palier II

1. Tramadol

Fig. 66.4 Tramadol

2. Codéine/ dihydrocodéine

 

Fig 66.5 Codéine

 

Partie 04 : Palier III

Source AFSSAPS 2004

1. Règles de prescription des morphiniques

- Sur ordonnace sécurisée
– Durée et dose écrites en toutes lettres
– Durée de prescription limitée :
• 7j :
▫ Morphine IV
▫ Oxycodone IV
▫ Fentanyl Dispositifs trasmuqueux à LI
• 14j : Fentanyl Dispositifs transdermiques à LP
• 28j :
▫ Morphine PO
▫ Morphine PCA
▫ Oxycodone PO
▫ Hydromorphone PO
– Dose cumulée de comprimés
– Nombre de médicaments différents sur l’ordonnance dans le carré
– Associer un TTT anti-émétique : Métoclopramide 10mg/8h si besoin
– Associer un TTT anti-constipatoire :
• Règles hygiéno-diététiques :
▫ Apports hydriques PO adéquats: 1,5 à 2 l/j
▫ Alimentation riche en fibres (supplémentation aliments riches en son)
▫ Respect de l’intimité
▫ Maintien d’une activité physique
• TTT médical : TTT laxatif osmotique
– Associer un TTT anti-prurigineux si nécessaire : TTT Anti-histaminique = Hydroxyzine PO
– Règles de prescription habituelles :
• Date de prescription
• Nom / Prénom du patient
• Nom / Prénom du médecin
• Signature / Cachet
• N° ADELI

Fig 66.6 Exemple d’ordonnance de morphinique


2. Morphine

Fig. 66.7 Morphine

> Titration morphinique PO

Après efficacité insuffisante d’une association Palier I + Palier II + co-antalgiques ou d’emblée si EVA ≥ 70
Débuter avec :
– Forme LI : 1mg/kg/j en 6 prises maxi
Par exemple : Sulfate de morphine LI 10mg/h pour un patient de 60kg sans dépasser 4 prises en 4h et sans dépasser 6 prises sur 24h
Penser à réduire les doses de moitié chez les personnes > 75 ans et les insuffisants rénaux et hépatiques.
Evaluation horaire et quotidienne de l’efficacité et de la tolérance du TTT
Augmentation de 50% de la posologie quotidienne / 24h en absence de contrôle de la douleur (EVA > 30)
Une fois l’efficacité obtenue la dose cumulée quotidienne sera alors transformée en LP en 2x/j.
Dans cet exemple, si au cours des 24h de la titration, le patient a reçu 60mg de LI pour obtenir un EVA ≤ 30, il recevra 30mg de LP matin et soir.
Associer des interdoses de LI de 1/6 à 1/10 de la dose quotidienne en fonction de son âge (> 75 ans), de sa fonction rénale et hépatique et de son poids (
Chez ce même patient les interdoses de LI seront de 6 à 10mg.
Si prises d’interdoses ≥ 4/24h, augmenter la posologie de la forme LP de la valeur du cumul des interdoses LI prises. Par exemple, dans ce cas, pour 4 interdoses de 10mg prises sur 24h, la dose de LP sera donc augmentée de 40mg le lendemain. On obtiendra donc Sulfate de morphine LP 50mg matin et soir (60+40) avec des interdoses de 15mg.

> Titration morphinique IV

En post-opératoire ou si EVA ≥ 70
Administrer une dose de charge de 0,05 à 0,1mg/kg IVD
Evaluer l’efficacité à 5min
En cas d’efficacité insuffisante (EVA > 30), réinjecter des bolus de 2 à 3mg IVD toutes les 5min jusqu’à atteindre l’objectif
La réinjection ne sera pas effectuée en cas de somnolence ou de vomissements.
Une fois l’objectif atteint, relai par PCA morphine

> Surdosage en morphinique

Clinique :
– Somnolence allant jusqu’au coma
– Myosis serré
– Bradypnée

Prise en charge thérapeutique :
– Stopper l’administration de morphinique
– Oxygénothérapie
– Antidote : Naloxone (1 ampoule ramenée dans 10cc avec du sérum physiologique) :
• Si FR 2 (Réveillable seulement avec uns stimulation tactile) :
▫ Injecter 2 ml naloxone en IVD puis 1 ml toutes les 3 min jusqu’à FR > 10/min
▫ puis entretien avec : dose de titration de naloxone dans 250 ml sur 3 à 4 h
– Surveillance

3. Buprénorphine

4. Nalbuphine

Posologie : 0,2-0,3mg/kg/6h

5. Hydromorphone

6. Oxycodone

7. Fentanyl

Partie 05 : Tableau d’équianalgésie

Fig 66.8 Tableau d’équianalgésie des antalgiques de palier III (SFAP 2010)

 

Fig 66.9 Tableau d’équianalgésie des antalgiques de palier II et III ( OMEDIT 2007 )

 

Partie 06 : Protoxyde d’azote équimolaire (OMEDIT 2010)

1. Indications

Analgésie des actes douloureux de courte durée chez l’adulte et l’enfant :
– Analgésie lors des soins d’urgence (traumatologie, brûlés, transport de patients douloureux)
– Préparation des actes douloureux de courte durée (
– Soins dentaires en milieu hospitalier exclusivement chez les enfants, les patients anxieux ou handicapés
– Obstétrique en attente de la péridurale ou en cas de refus ou d’impossibilité de la réaliser : utilisation particulière
– Utilisation possible en association avec des anesthésiques loco-régionaux : lidocaïne ou prilocaïne

2. Contre-indications

- Patient nécessitant une ventilation en oxygène pur
– Traumatisme crânien non évalué, traumatisme facial intéressant la région d’application du masque
– Toute altération de l’état de conscience empêchant la coopération du patient
– Épanchements gazeux non drainés : pneumothorax, pneumo-médiastin, pneumopéritoine, bulle d’emphysème, embolie gazeuse, accident de plongée…
– Hypertension intra-crânienne, état hémodynamique instable
– Patient ayant reçu récemment un gaz ophtalmique (SF6, C3F8, C2F6) utilisé dans la chirurgie oculaire tant que persiste une bulle de gaz à l’intérieur de l’oeil et au minimum pendant une période de 3 mois
– Anomalie neurologique récente et non expliquée
– Déficit connu et non substitué en vitamine B12 (pour une utilisation fréquente)

3. Précautions d’emploi

Le MEOPA n’est pas indiqué pour les actes très douloureux et ceux de plus d’une heure.
La prescription médicale est obligatoire et présente dans le dossier du patient après vérification par le médecin des contre-indications et médicaments associés.
Administration par du personnel médical ou paramédical spécifiquement formé à l’utilisation du MEOPA et aux gestes d’urgence et dont les connaissances sont périodiquement réévaluées (souhaité tous les ans, se rapprocher des médecins référents douleurs).
Privilégier des locaux avec possibilité d’aération ou de ventilation si utilisation fréquente.
En cas d’administration répétée et prolongée, le traitement est limité à 15 jours et il est recommandé de compléter les apports en vitamine B12.
Cas particuliers : présence obligatoire d’un médecin si :
– BPCO évoluée avec risque de décompensation hypercapnique
– Patient prenant des dépresseurs du SNC (psychotropes, morphiniques…)
– Enfant de moins de 4 ans

4. Déroulement du soin

> Rappels

- Effet analgésique, anxiolytique et euphorisant entraînant une sédation consciente
– Délai d’action : 3 minutes (durée maximale d’inhalation : 60 minutes)
– Réversibilité rapide de l’effet : élimination par voie pulmonaire en 5 à 10 minutes après l’arrêt de l’inhalation sous forme inchangée
– Le jeûne n’est pas obligatoire : les réflexes laryngés sont conservés

> Avant le soin

Vérifier le matériel (masque adapté et transparent, valve anti-retour…) et les contre-indications
Expliquer le soin
Mettre le patient en confiance
Ne pas enduire de corps gras le visage des patients (vaseline, pommade,…)
Bien se sécher les mains avant de manipuler la bouteille

 > Pendant le soin

Auto-administration à favoriser
Faire participer
Surveiller la vigilance
Renforcer l’effet antalgique (psychothérapie de soutien)
Réaliser l’acte douloureux en poursuivant l’inhalation pendant toute sa durée
Vérifier le ballon gonflé en permanence
Surveillance continue de l’administration, la présence d’une deuxième personne est souhaitée
Arrêt immédiat de l’administration en cas de perte de contact verbal, de vomissements, d’agitation paradoxale

> Après le soin

Retirer le masque et laisser le patient au repos plus de 5 minutes
Surveiller les premiers pas
Inciter le patient à exprimer ce qu’il a ressenti
Noter le déroulement du soin dans le dossier patient et les réactions
Évaluer la douleur provoquée par le soin et la consigner

> En obstétrique

L’utilisation discontinue pendant les contractions autorise une inhalation pendant toute la durée du travail

5. Effets indésirables

- Modification des perceptions sensorielles : sons éloignés, vision double, paresthésies au niveau buccal et des extrémités, sensation de chaleur, …
– Vertige, malaise, somnolence → surveiller le patient s’il est assis
– Céphalées, agitation, angoisse, rêves, cauchemars
– Nausées, vomissements (souvent si inhalation > 15 min)
– Myéloneuropathies en cas d’exposition prolongée à de fortes doses
– Anémies mégaloblastiques, leucopénies