item 87 – Infections cutanéo-muqueuse bactériennes et mycosiques

Objectifs ECN/CNCI :
Infections cutanéo-muqueuse bactériennes et mycosiques
– Diagnostiquer et traiter un impétigo, une folliculite, un furoncle, un érysipèle.
– Diagnostiquer et traiter une infection cutanéo-muqueuse à candida albicans.
– Diagnostiquer et traiter une infection à dermatophytes de la peau glabre, des plis et des phanères.
 
Plan
Erysipèle
Impétigo / Furoncles
Infections cutanéo-muqueuses à Candida albicans
Infections cutanéo-muqueuses à dermatophyties
 
Fiche

 

Partie 01 : Erysipèle (SPILF 2000)

Dermo-hypodermite aiguë infectieuse bactérienne non nécrosante à Streptococcus Béta-hémolytique du groupe A (SBHA)
Le plus souvent au niveau des membres inférieurs

1. Examen clinique

> Interrogatoire

Age
ATCD médico-chirurgico-familiaux :
– Statut vaccinal anti-tétanique +++
Facteurs favorisants :
– Obésité
– Immunodépression
– Diabète
– Insuffisance veino-lymphatique
– MTE
– AOMI
TTT :
– AINS ++
– ATB
– Topiques locaux
Toxiques : OH/Tabac/Autres
Circonstances d’apparition :
– Date de début
– Evolution : Extension centrifuge
– Porte d’entrée : Traumatisme / Plaie locale

Signes fonctionnels :
– Syndrome inflammatoire local
– Fièvre / Frissons
– Douleur

> Examen physique

Constantes : TA, FC, T°C, BU, Dextro :
– Fièvre ?
– Diabète

Inspection :
Examen bilatéral et comparatif des MI
– Syndrome inflammatoire local :
• Œdème
• Rougeur : Placard inflammatoire
• Chaleur
• Douleur
– Absence de bourrelet périphérique au MI / Présence au visage
Tracer le contour de l’érysipèle pour suive son évolution +++
– Rechercher la porte d’entrée +++ :
• Plaie
• Mal perforant plantaire
• Intertrigo
• Ulcère
• …
– Lymphangite associée
– Absence de signe de maladie thrombo-embolique (TVP/EP) :
• Absence de signe de Homans
• Absence de circulation veineuse collatérale

Fig 87.1 Erysipèle

Recherche des signes de gravité locaux :
– Dermo-hypodermite nécrosante :
• Décollements bulleux – phlyctènes
• Nécrose cutanée (lésions noirâtres et cartonnées)
• Emphysème sous-cutané et crépitation neigeuse (germes anaérobies)
• Examen neurologique : hypoesthésie douloureuse
Fasciite nécrosante

Palpation :
– ADP satellite dans le territoire de drainage (inguinale ++)

2. Complications

- Complications loco-régionales :

• Dermo-hypodermite nécrosante = « Fasciite nécrosante »
• Lymphœdème

- Complications infectieuses :

• Sepsis voire choc septique
• Tetanos (SAT/VAT ++)
• Du SBHA : GNA post streptococcique (J21) / RAA / Erythème noueux

- Décompensation de tares
– Complications de décubitus
– Récidives

3. Examens paracliniques

Diagnostic clinique : Aucun examen nécessaire au diagnostic

> Biologiques

- NFS/Plaquettes
– CRP
– Hémocultures aéro-anaérobies
– Prélèvements bactériologiques de la porte d’entrée + Examen bactériologique

> Imagerie

- Echo-doppler veineux des membres inférieurs
Non sytématique
Elimine une TVP en cas de doute

4. Prise en charge thérapeutique

Urgence thérapeutique

> Hospitalisation si :

- Comorbidités
– Contexte socio-économique défavorable
– Doute diagnostic
– Evolution défavorable à 72h

> Conditionnement

- Repos au lit
– Position : surélever la jambe / cerceau entre les draps et les jambes
– SAT/VAT +++
– Arrêt et CI des AINS ++

> TTT curatif d’une érysipèle

- TTT médical :
• ATBthérapie probabiliste en urgence / bactéricide – active contre SBHA :
▫ Pénicilline G IV avec relais par Amoxicilline PO à 48h d’apyrexie si hospitalisation
▫ Amoxicilline 1g x3 PO si ambulatoire
▫ Pristinamycine si allergie aux pénicillines
▫ Pendant une durée totale de 14j

> TTT curatif d’une fasciite nécrosante = Urgence médico-chirurgicale

- Hospitalisation en réanimation
– Conditionnement
– TTT chirurgical au bloc en urgence :
• Débridement et excision des tissus nécrosés
• Aponévrotomie des fascias musculaires
– TTT médical :
• Bi-ATBthérpaie IV, probabiliste, active sur SBHA et les anaérobies, forte dose :
▫ Pénicilline G + Clindamycine
▫ ± Aminoside
• Aucune preuve scientifique de l’efficacité de l’oxygénothérapie hyperbare

> TTT symptomatique

- TTT Antalgiques/Anti-pyrétiques : Paracétamol 15mg/kg/6h

> TTT étiologique

- TTT de la porte d’entrée ++ :
• Intertrigo = Anti-mycosique local (Imidazolé) pendant 4 semaines, nettoyage et séchage

> TTT préventif

- Prévention thrombo-embolique :
• Bas de contention (d’abord controlatéral puis bilatéraux)
• Anticoagulation préventive (HBPM) + lever précoce
– Prévention des récidives :
• TTT des facteurs favorisants :
▫ Hygiène cutanée
▫ Bas de contention si IVC
▫ Equilibration du diabète
▫ Réduction pondérale
• ATB prophylactique si récidives multiples :
▫ Pénicilline G retard (extencilline) 1 injection IM toutes les 3semaines

5. Surveillance clinique et paraclinique de l’efficacité et de la tolérance des TTT

> Examen clinique

- Consultation systématique à 48h si ambulatoire
– Extension / Réduction de la zone inflammatoire
– Douleur
– Apyrexie
– Maladie thrombo-embolique
– BU à J21 : Protéinurie à SBHA ?

> Examens paracliniques

- Plaquettes 2x/semaine si HBPM
– Syndrome inflammatoire biologique

 

 

Partie 02 : Impétigo / Furoncles

 

 

Fig 87.2 Impétigo / Furoncle

Fig 87.3 Impetigo

Fig 87.4 Furoncle

 

 

Partie 03 : Infections cutanéo-muqueuses à Candida albicans

1. Physiopathologie

Infection par candida albicans (levure) sous sa forme pathogène : passage de la forme saprophyte à pathogène du fait de facteurs favorisants

Facteurs favorisants
– Facteurs généraux : Grossesse / Ages extrêmes / Obésité / Diabète / Immunodépression (SIDA)
– Facteurs locaux : Macération / Chaleur / Humidité / Xérostomie / Acidité / Traumatismes
– Facteurs iatrogènes : Corticoïdes / ATB / Pilule œstro-progestative ?

Pas de transmission interhumaine
Contamination endogène : auto-inoculation depuis tube digestif ou muqueuses
Candida saprophyte des muqueuses mais toujours pathologique si isolé sur une lésion cutanée
Devant 1 localisation, rechercher systématiquement les autres

2. Formes cliniques

> Candidoses muqueuses

- Stomatite candidosique :
• Muqueuse érythémateuse et vernissée ± dépôts blanchâtres ou noirâtres
• Langue (glossite) / face interne des joues (muguet ++)
• Sensation de cuisson / sècheresse / goût métallique

 

 

- Œsophagite candidosique :
• Terrain Immunodéprimé = SIDA +++
• Dysphagie / Pyrosis / Douleur rétro-sternale
• FOGD : muqueuse érythémateuse avec dépôts blanchâtres

Fig 87.6 Candidose œsophagienne

 

> Candidoses génitales

- Vulvo-vaginite candidosique (Item 88) :
• Muqueuse érythémato-œdémateuse, érosive, blanchâtre
• Prurit / Brûlures
• Dyspareunie
• Leucorrhée blanchâtre, inodore, abondante
– Balanite candidosique :
• Transmision sexuelle : IST !
• Erythème érosif avec dépôts blanchâtres ± écoulement (méatite)
• Gland et sillon balano-préputial
• Prurit / SFU si méatite

> Candidoses cutanées

- Candidose génito-fessières infantiles :
• Chez le nourrisson
• Lésions vésiculo-pustuleuses
• Extension de l’anus (origine digestive) vers la région génito-fessière
– Intertrigo des grands plis :
• Erythème vernissé / fond fissuraire suintant ± enduit blanchâtre
• Bordure mal limitée / collerette desquamative
• Débute au fond du pli / extension centrifuge et symétrique
• Plis inguinaux / inter-fessiers / sous-mammaires (femme obèse)

 

Fig 87.7 Intertrigos des grands plis

- Intertrigo des petits plis :
• Interdigitaux plantaires ou palmaires

Fig 87.8 Intertrigos des petits plis

- Perlèche :
• Associé à une stomatite candidosique / nourrisson ou prothèses
• Fissure commissure labiale ± blanchâtre à bord érythémato-squameux
Perlèche

> Candidose des phanères : onychomycose candidosique

(90% des atteintes des ongles des mains)
– Péri-onyxis initial : tuméfaction sus-unguéale douloureuse
– Onyxis = onycholyse latéro-distale avec dépôt, sans hyperkératose
– ± coloration bleue-verdâtre signant une surinfection par Pseudomonas aeruginisa
Onychomycose candidosique

2. Examens paracliniques

> Examen mycologique

Non systématique si aspect atypique ou résistance à un TTT bien mené
– Prélèvement local par grattage : enduit blanchâtre + collerette desquamative
• Examen direct : levures bourgeonnantes / pseudo-filaments = pathogène
• Culture sur milieu de Sabouraud : colonies en 48h = diagnostic de certitude

> Bilan infectieux

- Sérologie VIH devant toute candidose digestive du patient jeune
– Balanite → Bilan IST

3. Prise en charge thérapeutique

TTT ambulatoire

> TTT étiologique

Rechercher et traiter simultanément tous les facteurs favorisants
– Bilan IST / Information et éducation sur IST si balanite
– Sérologie VIH devant toute candidose digestive du patient jeune

> TTT curatif = TTT Antifongique

Rechercher et traiter simultanément toutes les localisations
– TTT Antifongiques locaux : en 1ère intention si candidose cutanée ou muqueuse limitée
• Stomatite : Amphotéricine B en suspension 3 min/j pendant 3 semaines
• Vulvo-vaginite : Ovule imidazolé ± crème pendant 3 jours
• Intertrigo : Imidazolés = kétoconazole en crème 1x/j pendant 3 semaines
• Onychomycose : Avulsion chimique pour exposition du lit unguéal puis Antifongique en vernis pendant 3-6 mois
– Antifongiques généraux : Imidazolés (kétoconazole ou fluconazole)
Si œsophagite candidosique ou onychomycose ou candidose étendue / résistante

> TTT symptomatique

- Mesures d’hygiène : lavage / séchage minutieux (orteils)
– TTT Antiseptique local (chlorexidine / bétadine si onyxis)
– Bains de bouche au bicarbonate + faire tremper le dentier + changer de brosse à dents si stomatite
– Savon gynécologique alcalin si vulvo-vaginite

4. Surveillance clinique de l’efficacité et de la tolérance des traitements

 

Partie 04 : Infections cutanéo-muqueuses à dermatophyties

1. Physiopathologie

Infections cutanées par des champignons filamenteux kératinophyles, respectent toujours les muqueuses

Facteurs favorisants
– Facteurs généraux : Immunodépression (SIDA++ / Diabète..) / Contact avec animaux (chat ++)
– Facteurs locaux : Macération / Chaleur / Humidité
– Iatrogénie : Dermocorticoïdes / Corticothérapie / TTT Immunosuppresseur

 

Dermatophytes toujours pathogènes !
3 modes de contaminations :
– Interhumaine = dermatophytes anthropophiles (trichophyton)
– Animaux (chat ++) = dermatophytes zoophiles (microsporis)
– Sol = dermatophytes géophiles (rares)

2. Formes cliniques

> Dermatophyties cutanées

- Plaque érythémato-squameuse
– Bordure active vésiculo-érythémato-squameuse ± polycyclique
– Extension centrifuge et asymétrique : avec aspect de guérison centrale « aspect annulaire »
– Prurit

2 localisations :
– Peau glabre :
• Dermatophyte zoophile → chercher un contact animal
• ≠ Eczéma nummulaire (mais pas d’évolution centrifuge ni bordure active)
• ≠ Psoriasis annulaire (mais squames plus épaisses et bordure bien nette)
– Intertrigo :
• Dermatophyte anthropophile : Transmission interhumaine :
▫ Grands plis : pli inguinal ++ / homme jeune
▫ Petits plis : Intertrigo inter-orteil (4ème et 5ème espaces)
▫ Forme limitée : fissure rouge vif squameuse au centre du pli
▫ Forme profuse : érythème suintant ± vésiculeux
▫ Atteinte unguéale et hyperkeratose plantaire souvent associés

> Dermatophyties du cuir chevelu = Teignes

- Teignes tondantes :
• Les plus fréquentes en France / enfants 4-10 ans
• Plaques arrondies érythémato-squameuses pseudo-alopéciques

 

Fig 87.9 Teignes tondantes

 

Fig 87.10 Teignes microsporiques

 

- Teignes inflammatoires :
• Placards inflammatoires à bords nets / couverts de pustules
• Dermatophytes zoophiles
– Teignes faviques :
• En Afrique du nord (exceptionnelles en France hors migrants)
• Lésion en godet favique = cupuliforme / jaunâtre / malodorante
• Alopécie cicatricielle

> Onychomycose dermatophytique

- Atteinte pieds (gros orteil) > mains
– Epaississement (hyperkératose) sous-unguéal jaunâtre
– Pas de péri-onyxis associé (≠ onyxis candidosique)

 

Fig 87.11 Onychomycose dermatophytique

 

3. Examens paracliniques

Examen mycologique systématique
- Prélèvement mycologique par grattage :
• Prélèvement : grattage en périphérie sur bordure active + prélèvement de cheveux atteints
• Après arrêt de TTT antifongique depuis > 10j
• Examen direct (potasse) = filaments mycéliens en 48h
• Culture sur milieu de Sabouraud : identification en 3-4 semaines (certitude)
Nécessité de preuve mycologique avant de démarrer un antifongique général
- Examen en Lumière de Wood :
• Fluorescence Vert Intense si Teigne Microsporique
• Fluorescence Vert Pâle si Teigne Favique
• Pas de Fluorescence si Teigne TrichoPhytique ou inflammatoire

4. Prise en charge thérapeutique

TTT ambulatoire

> TTT étiologique

- Rechercher et suppression des facteurs favorisants
– Si D. zoophile : rechercher et éviction / TTT des animaux

> TTT curatif = TTT Antifongique

- TTT Antifongique local : Imidazolé (kétoconazole) crème ou shampooing 1x/j systématique++, pendant 3 semaines si atteinte cutanée limitée
– TTT Antifongique par voie générale : Griséofulvine PO, en association à antifongique local, si phanères (CC et ongles) / peau glabre étendue ou résistante
• Dermatophytie cutanée étendue ou résistante = 4 semaines
• Teignes = 6 semaines
• Onyxis = 3-6 mois si mains et 6-12 mois si pieds

> Mesures associées

- Mesures d’hygiène : lavage fréquent / ongles courts / vêtements en coton
– Photoprotection si Griseofulvine
– Eviction scolaire si teigne trichophytique (Transmission inter-humaine)
– Dépistage ± TTT des sujets contacts (famille)

5. Surveillance clinique de l’efficacité et de la tolérance des traitements