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Item 74 - Intoxication chronique à l'alcool (SFA 2001 - HAS 2014)

Dépistage

Le dépistage de l'intoxication alcoolique chronique est un enjeu majeur de santé publique.
Il repose sur des questionnaires d'auto-évaluation, des signes cliniques et des signes paracliniques d'imprégnation alcoolique. 

Questionnaires

Questionnaire AUDIT (Alcohol Use Disorders Identification Test)
Ce test de dépistage international a été mis au point par l’OMS : il interroge le patient sur sa consommation, les symptômes de dépendance ou autres aspects négatifs d’une consommation excessive. Son adaptation française a été validée en 2005. Ce test AUDIT fait référence aux 12 derniers mois de la vie de la personne.
1 - Quelle est la fréquence de votre consommation d’alcool ?

  • Jamais = 0
  • 1 fois /mois ou moins = 1
  • 2 à 4 fois par mois = 2
  • 2 à 3 fois par semaine = 3
  • Au moins 4 fois par semaine = 4

2 - Combien de verres contenant de l’alcool consommez-vous un jour typique où vous buvez ?

  • 1 ou 2 = 0
  • 3 ou 4 = 1
  • 5 ou 6 = 2
  • 7 ou 8 = 3
  • 10 ou plus = 4

3 - A quelle fréquence buvez-vous 6 verres ou davantage lors d’une occasion particulière ?

  • Jamais = 0
  • Moins d’1 fois / semaine = 1
  • 1 fois / mois = 2
  • 1 fois / semaine = 3
  • Tous les jours ou presque = 4

4 - Au cours de l’année écoulée, combien de fois avez-vous constaté que vous n’étiez plus capable de vous arrêter de boire une fois que vous aviez commencé ?

  • Jamais = 0
  • Moins d’1 fois / semaine = 1
  • 1 fois / mois = 2
  • 1 fois / semaine = 3
  • Tous les jours ou presque = 4

5 - Au cours de l’année écoulée, combien de fois votre consommation d’alcool vous a t-elle empêché de faire ce qui était attendu de vous ?

  • Jamais = 0
  • Moins d’1 fois / semaine = 1
  • 1 fois / mois = 2
  • 1 fois / semaine = 3
  • Tous les jours ou presque = 4

6 – Au cours de l’année écoulée, combien de fois avez -vous eu besoin d’un premier verre pour démarrer après avoir beaucoup bu la veille ?

  • Jamais = 0
  • Moins d’1 fois / semaine = 1
  • 1 fois / mois = 2
  • 1 fois / semaine = 3
  • Tous les jours ou presque = 4

7 - Au cours de l’année écoulée, combien de fois avez-vous eu un sentiment de culpabilité ou des remords après avoir bu ?

  • Jamais = 0
  • Moins d’1 fois / semaine = 1
  • 1 fois / mois = 2
  • 1 fois / semaine = 3
  • Tous les jours ou presque = 4

8 - Au cours de l’année écoulée, combien de fois avez-vous été incapable de vous rappeler ce qui s’était passé la soirée précédente parce que vous aviez bu ?

  • Jamais = 0
  • Moins d’1 fois / semaine = 1
  • 1 fois / mois = 2
  • 1 fois / semaine = 3
  • Tous les jours ou presque = 4

9 - Avez-vous été blessé ou quelqu’un d’autre a t-il été blessé parce que vous aviez bu ?

  • Non = 0
  • Oui, mais pas au cours de l’année écoulée = 2
  • Oui, au cours de l’année écoulée = 4

10 - Un parent, un ami, un médecin ou un autre soignant s’est-il inquiété de votre consommation d’alcool ou a t-il suggéré que vous la réduisiez ?

  • Non = 0
  • Oui, mais pas au cours de l’année écoulée = 2
  • Oui, au cours de l’année écoulée = 4

Interprétation du test AUDIT : Effectuer le total de tous les scores
Pour un homme : Consommation à risque si le total est entre 7 et 12
Pour une femme : Consommation à risque si le total est entre 6 et 12 
Dépendance probable si le total est supérieur à 12
Autres tests :

  • AUDIT-C : Seulement les 3 1ères questions du questionnaire AUDIT
  • FACE : Fast Alcohol Consumption Evaluation
  • DETA (Diminuer, Entourage, Trop, Alcool) forme française du test CAGE (Cutting down, Annoyance by criticism, Guilty feeling, Eye-openers)

Signes cliniques d'imprégnation alcoolique chronique

  • Faciès congestionné
  • Rhinophyma
  • Hypertrophie parotidienne bilatérale
  • Yeux globuleux ictériques
  • Erythrose faciale
  • Haleine oenolique
  • Maladie de Dupuytren
  • Symptômes de sevrage : irritabilité, troubles du sommeil, tremblements, crampes...

Marqueurs biologiques

  • Élévation des gamma-GT (à partir de 10 verres/jour)
  • Macrocytose (augmentation du VGM)
  • Cytolyse hépatique prédominant sur les ASAT
  • Thrombopénie
  • Hypoalbuminémie
  • Hyperuricémie
  • Hypertriglycéridémie

Complications liées à la consommation chronique d'alcool

Digestives

  • RGO
  • Pancréatite aiguë ou chronique
  • Hépatite/stéatose/cirrhose

Cardiovasculaires

  • Insuffisance cardiaque sur cardiomyopathie
  • HTA
  • Troubles du rythme

Néoplasiques

  • Carcinome hépato-cellulaire
  • Cancers des VADS, de l'œsophage
  • Cancer du pancréas

Hématologiques

  • Macrocytose
  • Thrombopénie
  • Anomalies de la coagulation

Métaboliques

  • Hypoglycémie
  • Diabète (par insuffisance pancréatique)
  • Hypogonadisme
  • Hypertroglycéridémie

Neurologiques +++

  • Polyneuropathie distale sensitivomotrice
  • Epilepsie
  • Atrophie cérébélleuse vermienne
  • Encéphalopathie de Gayet-Wernicke (secondaire à un déficit en vitamine B1) :
  • Atrophie hypothalamique bilatérale au TDM
    • Triade : Syndrome cérébélleux statique / Confusion / Troubles oculomoteurs
    • Risque d'évolution vers un syndrome de Korsakoff +++
    • Urgence thérapeutique : vitamine B1 IV
  • Encéphalopathie hépatique
  • Encéphalopathie pellagreuse
  • Encéphalopathie de Marchiafava-Bignami
  • Syndrome de Korsakoff (atteinte du circuit hippocampo-mamillo-thalamique) :
    • Fausses reconnaissances
    • Amnésie rétro-antérograde
    • Désorientation temporospatiale
    • Fabulations
    • Anosognosie
    • Evolution vers une démence alcoolique
    • Prise en charge diagnostique et thérapeutique :
      • Tests neuropsychologiques (MMS, horloge, test des 5 mots, BREF...)
      • TDM cérébral (élimine tumeur, HSD, hydrocéphalie...)
      • IRM cérébrale : objective une atrophie cérébrale diffuse, une atrophie cérébélleuse vermienne et des lésions du circuit de Papez
      • Dosage du taux sérique de vitamine B1 et pyruvinémie
      • Bilan biologique de démence : ionogramme sanguin, calcémie, TSH, sérologie VIH (avec accord) et syphillis, vitamine B12, folates
      • Rééducation psychomotrice
      • Rééducation neuropsychologique
      • Orientation vers une structure pour adulte handicapé, aides sociales
  • Syndromes de sevrage
  • Atrophie cérébelleuse
  • Neuropathie optique

Psychiatriques

  • Syndrome dépressif
  • Troubles anxieux
  • Troubles du sommeil
  • Troubles du comportement (irritabilité, impulsivité)
  • Poly-addictions

Rhumatologiques

  • Rhumatologiques : Nécrose de la têt fémorale

Obstétricales

  • Syndrome d'alcoolisation fœtal

Socio-professionnelles

  • Désinsertion, isolement social
  • Précarité

Prise en charge thérapeutique

Prise en charge globale et pluridisciplinaire, avec suivi au long cours pour éviter les rechutes

Cure de sevrage

En hospitalisation ou en ambulatoire. 

Le sevrage hospitalier est recommandé en cas de polyaddictions, de comorbidité psychiatrique ou somatique, ou d'antécédent d'échec de sevrage. 

Modalités :

  • Bilan pré-sevrage :
    • Evaluation de la consommation : quantité en g/j, type d'alcool, fréquence...
    • Evaluation de la dépendance : DETA, AUDIT, syndrome de sevrage...
    • Evaluation du terrain : polyaddictions, comorbidités...
    • Evaluation des complications et du retentissement physiques, psychiques et sociaux.
    • Evaluation de la motivation du patient
  • Modalités du sevrage :
    • Après information et consentement éclairé du patient
    • Fixer une date précise pour le début, avec le patient
    • Fixer dans la mesure du possible un objectif de "zéro verre"
    • Traitement médicamenteux : vitaminothérapie, hyperhydratation (3L/jour minimum), benzodiazépine PO (diazépam ou oxazépam si insuffisance hépatocellulaire)
    • Psychothérapie de soutien et entretiens motivationnels réguliers
    • Reprise de mesures hygiéno-diététiques correctes

Le sevrage est un processus long est complexe, qui a été modélisé par Prochaska et Di Clemente selon plusieurs stades de motivation.

L'attitude à adopter envers le patient dépend du stade dans lequel celui-ci est engagé : 

Modèle de Prochaska et Di Clemente  
Pré-contemplation L’alcool n’est pas un problème, le patient n’envisage pas d’arrêter.
Contemplation Ambivalence : le patient envisage un changement mais n’est pas prêt à arrêter.
Préparation La décision de sevrage est prise par le patient, il envisage de démarrer le sevrage dans un futur proche.
Action Sevrage. D’importantes difficultés sont ressenties par le patient. Phase où le soutien psychologique est essentiel.
Maintien L’abstinence est maintenue par le patient.
Rechute N’est pas obligatoire, mais fait partie du processus normal de sevrage.
Sortie permanente du cycle : réussite finale du sevrage, le maintien de l’abstinence est conservé.

TTT médical au long cours

2 types de médicaments sont utilisés :

  • Diminuant l'appétence pour l'alcool : Acamprosate / Naltrexone (contre-indiquée en cas d'addiction aux opiacés)
  • Avec effet antabuse (hors AMM) : Baclofène / Namelfene

Psychothérapie

  • Dans tous les cas, psychothérapie de soutien
  • Entretiens motivationnels réguliers
  • Thérapies cognitivo-comportementales +++
  • Dans certains cas : Thérapies d'inspiration psychanalytique.

Mesures sociales

  • Aide à la réinsertion socio-profesionnele
  • Groupes de paroles, associations d'anciens buveurs

Surveillance clinique et paraclinique de l'efficacité et de la tolérance des traitements

Dernière modification : 14/02/2016